IMM3MORIA.ORG
« Le qualificatif de Grand
Guignol (adjectif grand-guignolesque) s'applique aux divertissements
basés sur un spectacle d'horreurs macabres et sanguinolentes.
»
Approchez mesdames et messieurs
pour un spectacle exceptionnel et inoubliable ! Venez admirer
les plus belles monstruosités de notre temps, l’acrobat-batteur
psychotique avec son blast à deux têtes, la basse
à barbe et ses cordes tueuses, l’ignoble chanteur
cracheur de sang, le guitariste-pianiste-violoncelliste a plusieurs
bras et le chœur des enfants malformés. Tout un
programme pour vous ravir en cette sombre soirée !
Combien de places monsaigneur
?
"Euh... 69 ?"
Difficile de se frayer un chemin
dans ce dédale où des bras pendent un peu partout,
la plupart dégoulinant d'un produit visqueux dont je
ne peux (ne veux ?) juger la nature dans la pénombre.
Ben ouais, parce que pendant que
l'entrée se dévoile à mes yeux, la musique
qui introduit le spectacle est parfaitement mise en oeuvre.
Lugubre à souhait, le macabre magnifié comme rarement
(certains penseront au travail cinématographique de Burton,
ils n'auront pas forcement tort).
Mais on m'avait parlé de
Metal. Me serais-je trompé d'endroit ?
Je demanderais bien ma route à
une des personnes ici tandis que sur la scène le spectacle
commence à prendre place, mais elles me semblent toutes
dérangées voire... Difformes ?
"euh... Madame ?"
Oui mon mignon ? Tu veux que je
t’emmène avec moi en backstage ? Tu verras c’est
plein de gens passionnants. Il y a le singe hurleur tantôt
riant tantôt inquiétant, des guitaristes aux riffs
principalement rythmiques qui sont là pour égayer
les profondes palpitations du piano et autres orchestrations
pratiquées par une seule et même personne profondément
décalée.
La pieuvre batterie en triolet,
en sextolet,
elle sera là pour t’affoler,
Je t’emmènerais danser,
avec moi sur différentes pistes, les psychotiques, les
flamencos, les orientales mais aussi les plus joyeuses comme
les plus sombres.
-La créature hideuse en son fort intérieur : «
je n’ai plus qu’à lui faire mon sourire et
je boufferais du chaud ce soir...
-"Euh..."
Je me répétais,
mais j'étais à vrai dire paumé.
Un peu à la façon
d'un Meshuggah, au début, dans le sens où je me
retrouve sans repère. Sans vraiment savoir sur quoi je
tombe.
Ces gens là s'amuseraient
t'ils a nous prendre au dépourvu ? A faire en sorte de
nous prendre à contre-pied ?
Le singe hurlait. Profonde gutturale
parfois, mais surtout à la façon d'un criard habillé
en noir, emmené par une rythmique folle et aliénée.
Une rythmique qui se casse en plein milieu pour recommencer
de plus belle... ou ne plus recommencer du tout, d'ailleurs.
Et c'est là que je comprend.
Ils ne font pas ça pour
nous prendre à contre-pied. Non.
Quand le morceau explose. Quand
sa structure ne correspond plus à rien. Quand un riff
complètement génial n'est utilisé qu'une
seule et courte fois dans un morceau avant de retourner au néant.
Quand on touche ce moment sublime, c'est pour privilégier
l'ambiance. Cette atmosphère oppressante, irréelle
et pourtant tellement palpable.
La pieuvre tape comme une possédée.
Le singe hurle comme un monstre. La fille au nez fondu chante
d'une façon claire et lugubre, et l'espèce d'araignée
humanoïde en fond, celle qu'on voit mal, celle qui accompagne
le tout de lugubres claviers, cette araignée prend soudain
toute son importance.
Tu t’emballes mon mignon.
Qu’est-ce qui te perd,
tu veux que je t’aide à retrouver tes repères,
tu as peur de mes compères ?
Regarde le son est bon, leur exécution musicale est exemplaire
l’artwork est épuré,
dans le pur style cabaret,
et les idées multivariées.
Qu’en penses-tu mon garçon
?
Je reprends – péniblement
- mes esprits sur des airs de ritournelle archi connues et que
je n’arrive pourtant pas à nommer. Ce genre de
mélodie qu’on a tous entendu un jour ou l’autre.
Tout cela mêlé à la batterie de la pieuvre,
alors que le singe hurle sa folie, me crache au visage la mienne
alors que le public applaudit à plusieurs reprises. Parfois
il se parle à lui-même. Parfois il rigole au ciel
ou murmure des insanités. Et le public applaudis de plus
belle.
La Folie et son éternelle
jeunesse, un esprit dérangé dans un corps dérangé.
Quand tout s’arrête pour recommencer sur un air
de guitare sèche. Quand tout explose sur un blast enivrant.
J’ouvre les yeux sur une scène qui s’écroule,
sur une tragédie devenue mienne, sur un groupe qui fait
son show debout sur un amoncellement de cadavres, et qui en
rit. Et le public rit aussi.
Ma raison vacille.
Je suis noyé sous une avalanche
de membres découpés, alors que le piano s’arrête
brusquement, que le clavecin reprend sa lugubre mélodie
et que la fille au nez fondu chante dans la pénombre.
Puis je réalise qu’on
m’a enfermé dans une cellule capitonnée.
Mon entre-jambe est souillé et le rictus figé
qui me déforme le visage laisse passer la bave à
la commissure de mes lèvres.
Mais je ne suis pas fou. Contrairement
à ce qu’ils disent tous, je ne suis pas fou.
J’ai juste écouté
« The Grand Maddening ». Le premier opus progressif
pondu par « Le Grand Guignol ».
Faites-en autant. Après
tout, plus on est de fous, plus on rit.
Groumphillator & Prout
back